Mon enfant a un cancer
Apprendre que son enfant a un cancer est une épreuve douloureuse, qui entraîne de nombreux bouleversements dans la sphère familiale et dans la vie quotidienne. Colère, peur, sentiment d’injustice… Chaque parent réagit différemment selon sa personnalité. Quant à l’enfant, il va être confronté au diagnostic ainsi qu’à la séparation brutale - qu’elle soit familiale ou scolaire – pendant ses hospitalisations. Comment l’accompagner au mieux dans cette épreuve ? Quels sont les différents traitements ? Peut-il envisager une scolarité tout en étant hospitalisé ?
Cancer et enfant : la dure réalité
On parle souvent de cancers comme s’il s’agissait d’une maladie unique. Or, il existe différentes formes de cancers avec leurs spécificités et leurs traitements propres. Cette maladie est rare chez l’enfant puisqu’elle représente 1 à 2 % de l’ensemble des cancers. On dénombre environ 2 000 nouveaux cas chaque année en France, dont 400 chez les 15-18 ans.
La plupart des cancers de l’adulte n’existent pas chez l’enfant, et à ce jour, les causes des cancers pédiatriques restent mystérieuses. Sur le plan biologique, le cancer est la conséquence d’un dysfonctionnement de cellules, qui se multiplient de façon excessive et anarchique. Ces cellules anormales prolifèrent localement en formant des tumeurs puis vont envahir les tissus voisins, en migrant par les vaisseaux sanguins et lymphatiques, pour aller former d’autres tumeurs, appelées métastases.
Les cancers n’ont pas tous la même gravité et certains nécessitent des traitements plus lourds que d’autres. Quelle que soit sa forme, il existe toujours des chances de guérison. Enfin, sachez que le cancer n’est pas une maladie infectieuse, il n’est donc pas contagieux.
Quels sont les principaux cancers chez l’enfant ?
En Europe et aux Etats-Unis, les cancers les plus courants chez les enfants sont les leucémies, les tumeurs cérébrales et les lymphomes. La moitié des cancers de l’enfant survient avant l’âge de 5 ans .
- Leucémie : ce cancer se caractérise par la prolifération anormale dans la moelle osseuse de cellules dérivées des globules blancs. C’est le cancer le plus courant chez l’enfant. Il existe plusieurs types de leucémie... et donc différents traitements.
- Tumeur cérébrale : ces tumeurs du système nerveux central touchent le cerveau et/ou la moelle épinière. C’est la 2e forme de cancer pédiatrique la plus courante dans les pays développés.
- Lymphome : tumeur qui se développe à partir de cellules du système lymphatique (ganglions, vaisseaux lymphatiques, rate…). C’est le 3e type de cancer pédiatrique le plus courant.
- Néphroblastome : tumeur cancéreuse spécifique de l’enfant qui se développe au niveau du rein. La tumeur de Wilms est le cancer du rein le plus fréquent (95 %), touchant les enfants de moins de 5 ans.
- Neuroblastome : ces tumeurs malignes du système nerveux sympathique apparaissent souvent au niveau d’une glande surrénale ou de l’abdomen, parfois au niveau du thorax. Ce cancer survient principalement chez les nourrissons et les jeunes enfants.
- Tumeur d’Ewing, ostéosarcome : tumeur qui se développe au niveau de l’os. Ce type de cancer représente 3 à 5 % des cancers pédiatriques. Ils surviennent plutôt chez les grands enfants ou les adolescents.
- Rhabdomyosarcomes et autres sarcomes : les sarcomes sont des cancers qui se développent au niveau des tissus conjonctifs : peau, os, muscles, graisse, vaisseaux.
- Rétinoblastome : c’est une tumeur maligne rare de la rétine et du tissu nerveux de l’œil. Elle survient dans les premières années de vie, sur un terrain génétique prédisposé (50 % des cas).
Comment débute un cancer pédiatrique ?
Les symptômes sont variables d’une maladie à l’autre : pâleur, fatigue, fièvre prolongée ou inexpliquée, perte de poids et manque d’appétit, douleurs osseuses ou articulaires, hématomes, maux de ventre, maux de tête, troubles de la vision ou de la marche, torticolis, vomissements répétés…
La plupart des symptômes du cancer pédiatrique sont trompeurs car ils sont banals et peuvent faire penser, dans un premier temps, à une maladie infantile. La persistance des symptômes conduit généralement le médecin traitant à pratiquer des examens complémentaires, radiologiques ou biologiques.
Comment établir un diagnostic ?
En cas de tumeur, une biopsie est en général réalisée sous anesthésie par un chirurgien habitué à ce type de pathologie. Un médecin anatomopathologiste va ensuite pratiquer un examen des tissus cancéreux au microscope, afin d'étudier la forme et la structure des cellules. Ce prélèvement permet d’établir le diagnostic, d’identifier le cancer et d’orienter le choix des traitements.
Le diagnostic de leucémie est souvent établi par une simple analyse de sang (NFS), car ce type de cancer ne provoque pas de tumeurs. Un examen complémentaire des cellules sanguines et un myélogramme confirmeront et préciseront le diagnostic pour adapter au mieux le traitement.
Quelles sont les conséquences au sein de la famille ?
Pour les parents, l’annonce du cancer va constituer un événement traumatique. Certains ressentent un sentiment de culpabilité ; ils se demandent s’ils ont fait appel à un médecin assez tôt ou bien pensent n’avoir pas été attentifs aux premiers signes de la maladie. D’autres vont se questionner sur « comment être avec leur enfant » et « quoi leur dire ». Les frères et sœurs, quant à eux, se murent souvent dans un silence pour protéger leur entourage. Le jeune enfant, face à l’attention portée au frère ou à la sœur malade, peut ressentir des sentiments de jalousie et d’agressivité. Sentiments qu’il a du mal à assumer. « Il peut alors les exprimer de différentes façons : chute des résultats scolaires, comportement agressif, prévient une psychologue de l’unité cancérologie de l’hôpital des Enfants de Bordeaux. Ces enfants ont besoin d’être rassurés sur l’amour de leurs parents, sur leur non responsabilité dans la maladie du frère ou de la sœur et sur le fait qu’ils ne seront pas malades, car beaucoup craignent que la maladie soit contagieuse. »
Comment va réagir le jeune malade ?
Un enfant atteint d’un cancer va faire face à de nombreuses ruptures dans sa vie ; il va être confronté rapidement à une série d’examens inconnus et se trouver séparé de son milieu familial pendant plusieurs semaines (maison, école, fratrie…). « La maladie et les traitements vont également le confronter à la douleur, souligne la psychologue. Il est d’ailleurs souvent difficile pour l’enfant de comprendre la logique des traitements, étant donné les effets secondaires. La douleur va venir bouleverser son image du corps, parfois sa confiance dans les soignants et ses parents ». Le soulagement de la douleur va, de toute évidence, constituer une des priorités de tous les jours, permettant de préserver l’intégrité psychique et corporelle de l’enfant et de maintenir un lien de confiance avec l’environnement. « L’enfant perçoit également les inquiétudes et les angoisses de ses parents. Souvent, il va réagir en régressant au stade de développement psychoaffectif antérieur : il peut redemander un biberon alors qu’il a 8 ans, il va à nouveau faire pipi au lit alors qu’il était propre… C’est un mécanisme de défense qui lui permet de faire face à tous ces changements ».
Quelles sont les différentes méthodes de traitement ?
Des équipes pluridisciplinaires, spécialisées dans la prise en charge de l’enfant atteint d’un cancer, mettent tout en œuvre pour obtenir une guérison avec un minimum de risques à court et long terme, tout en tenant compte de l’agressivité de la maladie. Ces spécialistes ont une connaissance fine des cancers de l’enfant et travaillent en collaboration pour élaborer des protocoles de traitement nationaux et internationaux. En effet, le cancer de l’enfant étant une pathologie rare, il est important de mettre en commun l’ensemble de ces connaissances afin de faire avancer les traitements.
Un plan de traitement, mis en place par une équipe pluridisciplinaire (pédiatre oncologue, radiothérapeute, chirurgien pédiatrique, anatomopathologiste, biologiste, radiologue…) permet d’établir une prise en charge personnalisée, qui tient compte de la situation de votre enfant, de sa maladie, de son évolution sous traitement et de son état de santé.
Les outils thérapeutiques peuvent être utilisés successivement ou associés selon les pathologies :
La chimiothérapie : ce traitement médicamenteux, largement utilisé, vise à détruire les cellules cancéreuses présentes dans tout l’organisme (tumeur initiale et métastases). C’est le principal traitement des leucémies et des lymphomes. En effet, la plupart des cancers de l’enfant sont particulièrement sensibles à la chimiothérapie. Administrée le plus souvent en intraveineuse parfois en intrarachidien (en pratiquant une ponction lombaire, on prélève le liquide céphalorachidien présent entre les méninges et on injecte ensuite le traitement) dans certaines pathologies comme les leucémies ou certains lymphomes. La fréquence, les doses et la durée de traitement varie selon le type de cancers. Dans certains cancers, elle permet de réduire le volume de la tumeur et d’en faciliter l’exérèse chirurgicale. Elle contribue également à éviter une "dissémination" de la maladie sur d'autres organes du corps.
A l’heure actuelle, les différents médicaments disponibles ne savent pas différencier les cellules cancéreuses des autres cellules de l’organisme qui se divisent particulièrement vite comme les cellules du tube digestif, de la moelle osseuse, du cuir chevelu. D'où les nombreux effets secondaires.
La chirurgie : ce traitement local a pour but d’enlever la tumeur cancéreuse dans sa totalité. On parle alors d’ablation complète ou d’exérèse. En traitement unique, la chirurgie est réservée aux cancers découverts à un stade très précoce, lorsque l’ablation totale de la tumeur est possible, et que les examens confirment qu’elle ne s’est pas propagée dans l’organisme. Sinon, elle peut être combinée à d’autres traitements.
La radiothérapie : contrairement à la chimiothérapie qui agit sur tout l’organisme, la radiothérapie a une action locale. ce traitement consiste à utiliser des rayonnements pour détruire les cellules cancéreuses et stopper leur prolifération. Les rayons ne sont pas douloureux, mais peuvent induire des effets secondaires : fatigue, réaction inflammatoire, aplasie. Tous les cancers de l’enfant ne sont pas radiosensibles et chaque indication est discutée pour adapter au mieux la technique. La radiothérapie peut être associé à une chimiothérapie.
Les greffes de cellules souches hématopoïétiques : fabriquées par la moelle osseuse, ces cellules sont à l’origine des différentes cellules sanguines (globules rouges, globules blancs et plaquettes). Elles sont prélevées sous anesthésie générale à partir d’un donneur compatible avec l’enfant (dans sa famille proche ou chez un donneur non apparenté, inscrit sur le fichier international). On les trouve également en quantité importante dans le sang de cordon placentaire. C'est pourquoi, depuis les années 2000, il est possible - dans certaines maternités habilitées - de donner le sang de cordon après l’accouchement et avant la délivrance du placenta.
Les greffes de cellules souches sont généralement proposées dans des leucémies particulièrement sévères. Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’une opération, comme dans la greffe de rein ou de foie, mais d’une « simple » transfusion par voie veineuse. Tels des "pigeons voyageurs", les cellules souches injectées retrouvent leur chemin et vont dans la moelle osseuse, pour lui permettre de fonctionner à nouveau.
En dehors du traitement spécifique du cancer lui-même, une attention permanente est portée sur l’évaluation et la gestion de la douleur de l’enfant (lire notre dossier complet sur la douleur). D’autres traitements destinés à améliorer la tolérance des traitements sont également utilisés : anti-émétiques pour éviter les vomissements, transfusions de globules rouges ou de plaquettes, traitement antibiotique ou anti-infectieux…
Par ailleurs, au-delà des traitements médicamenteux, l'accompagnement de l’enfant et de sa famille est essentiel pour les aider à faire face à l’annonce de la maladie. Soutien psychologique, lien privilégié avec le personnel soignant, maintien des activités du quotidien (école, sport, jeux, rires, rythme de sommeil)... sont autant de moments privilégiés.
Quelles sont les effets secondaires?
L'objectif des oncologues pédiatriques est de guérir au mieux votre enfant, avec le moins de séquelles possibles. De manière générale, un suivi au long court personnalisé permet de surveiller l'apparition de séquelles et d'adapter la prise en charge. Toutefois, même si les traitements sont adaptés à l'intensité de la maladie, l'apparition d'effets secondaires est pratiquement systématiques.
L’aplasie : la chimiothérapie bloque temporairement le bon fonctionnement de la moelle osseuse, ce qui entraîne une diminution de la production des cellules sanguines. On parle alors d’aplasie.
- Un manque de globules rouges est source de fatigue (anémie) ;
- Un manque de globules blancs (ou leucopénie) peut être à l’origine de risques infectieux ;
- Un manque de plaquettes dans le sang (ou thrombopénie) majore le risque hémorragique.
Pour corriger ces déficits, les médecins ont recours à des transfusions sanguines, de globules rouges et de plaquettes (les transfusions de globules blancs restent exceptionnelles).
Le risque infectieux : ce risque est important en cas de diminution des globules blancs, en particulier des polynucléaires neutrophiles. La fièvre associée à une forte diminution des polynucléaires neutrophiles peut être le signe d'une infection bactérienne grave. Une antibiothérapie par voie veineuse est alors mise en place en urgence jusqu’à la remontée des globules blancs.
De plus, après un traitement intense et/ou de longue durée, des risques infectieux liés au virus et aux champignons/parasites sont à craindre. Afin de prévenir ces infections, votre enfant peut recevoir un traitement prophylactique (destiné à éviter l’infection) à titre préventif. En cas d’infection avérée, on administre généralement des traitements antifongiques pour lutter contre les champignons ou des traitements anti-infectieux pour combattre les virus et parasites.
Les problèmes digestifs : ils sont fréquents lors d'une chimiothérapie : vomissements, douleurs abdominales, diarrhée, aphtes…
Plusieurs traitements existent pour prévenir et/ou traiter ces effets secondaires : anti-émétiques contre les vomissements, anti-diarrhéiques, morphine... Les soins de bouches sont également importants pour aider à la cicatrisation des aphtes et éviter leur surinfection.
Si votre enfant a beaucoup de mal à s'alimenter, un support nutritionnel sera proposé soit par perfusion, soit par l’intermédiaire d’une sonde naso-gastrique, qui va de la narine jusque dans l’estomac.
En cas de traitement prolongé par corticoïdes, un régime sera institué pendant toute la durée du traitement afin d’éviter une prise de poids excessive, une rétention d’eau et de sel, une hypertension artérielle, une augmentation du sucre dans le sang.
La chute des cheveux (ou alopécie) : temporaire, la chute de cheveux est habituelle dans la plupart des traitements par chimiothérapie ou radiothérapie du crâne. Il n’existe à ce jour aucun traitement préventif efficace pour l’empêcher.
La fatigue : les différents traitements engendrent parfois une fatigue très importante, appelée asthénie, qui ne peut pas être réparée par le sommeil. Votre enfant peut être aussi confronté à une fonte de sa masse musculaire, surtout si il reste alité longtemps. Rassurez-le, car c’est un phénomène temporaire, qui disparaîtra avec la reprise d’une activité physique même modérée (marche, vélo…).
Quelles évolutions peut-on envisager ?
Le plan de traitement est personnalisé et peut-être modifié si les médecins jugent que la réponse obtenue est insuffisante.
La rémission, la guérison
On parle de rémission complète lorsqu’il n’existe plus de cellules ou de tumeurs cancéreuses dans l’organisme ou lorsqu’il n’y a plus d’anomalies dans le sang, les urines ou la moelle osseuse. Parfois, un traitement est préconisé pour consolider cette rémission, en vue de détruire des cellules cancéreuses « en sommeil », à l’origine de rechutes ultérieures. La guérison est acquise lorsque la durée de la rémission est jugée suffisamment importante. Cette durée varie selon les types de cancers (5 ans en moyenne, voire plus).
La rechute ou récidive
Malgré les traitements il arrive parfois que votre enfant fasse une rechute. Un nouveau plan traitement est alors proposé, avec notamment une intensification de la chimiothérapie.